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A toi ma petite-fille, A toi mon petit-fils.

23/10/2024

Le 9 juin dernier et plus récemment au niveau communal, les urnes ont parlé. La Belgique, comme l’Europe, se droitise et cela influence notre quotidien. On ne se rend peut être pas encore bien compte mais les prochains mois vont nous apporter un lot de catastrophes pour les travailleurs à bien des niveaux. Tu dois bien te dire une chose : rien n’est jamais acquis. La démocratie, l’état de droit,  les droits des travailleurs ne sont jamais un acquis. Nous devons y veiller chaque jour. Ce n’est pas un vieux ringard qui te le dit : c’est juste une personne qui regarde dans le rétroviseur et qui ne veux pas revivre les mauvais moments du passé. 

Cela vaut pour la démocratie, cela vaut pour la lutte contre l’extrême droite, cela vaut aussi pour la préservation de notre planète, l’égalité homme-femme ou tant d’autres choses encore. 

Depuis un bon moment, je me questionne sur ce que le monde du travail est devenu ou est en train de devenir et sur ce qu’il adviendra demain pour toi et ta génération. À mon époque, nous avons durement combattu pour des droits qui nous semblaient essentiels, qui ont structuré nos vies et nos carrières. 

C’est par exemple le cas de la loi de 1971, qui a alors été instaurée afin d’encadrer la durée du travail, limiter la flexibilité et protéger les travailleurs. Une loi qui interdit le travail de nuit, du dimanche, des jours fériés et instaure des règles pour éviter les abus. Une loi qui accepte qu’une certaine forme de flexibilité soit possible mais moyennent un encadrement, c’est-à-dire une Convention Collective de Travail. Une loi qui garantit la durée minimum d’un temps partiel (3h) ainsi que le régime de 38 heures/semaine. Nous avons à l’époque connu la semaine des plus de 40h. Nous avons été confrontés à l’automatisation, à l’augmentation toujours plus grande de la productivité et à la réduction collective du temps de travail qui en a découlé. Nous avons eu cette chance de voir des avancées voir le jour, d’aller vers un mieux en termes d’évolution mais aussi de conditions de travail. 

Aujourd’hui, je m’inquiète. Ces protections que nous avions conquises sont en train de disparaitre. Avec ce que le gouvernement envisage, cette loi va voler en éclat. Tu seras demain un travailleur flexible et corvéable à merci. On nous dit que le travailleur aura la liberté de choisir ! Le choix individuel érigé comme valeur suprême. Il y a juste un « hic ». Quand tu travailles, tu es dans un lien de subordination face à ton employeur : quelle est encore la vraie liberté de choix ? Plus de limites. Des abus, il y en aura, c’est certain. Un monde du chacun pour soi.  On te dira qu’une organisation syndicale ne sert à rien, que le collectif, c’est du pipeau ! Qu’une convention collective, c’est ringard. NON, le collectif, c’est juste être plus forts ensemble et crois-moi, dans une relation de travail, cela sert tous les jours !

Ce n’est là qu’une partie de l’iceberg. Les projets du futur gouvernement visent à déréguler le marché du travail au lieu de créer des emplois de qualité (tu sais, le graal qu’on appelle CDI, l’inaccessible étoile ?). Ils parlent par exemple d’élargir les flexi-jobs, les contrats étudiants, etc. mais à aucun moment ils ne parlent pas de vraies embauches à travers un contrat ‘solide’ et non une sous-catégorie.

Alors, je m’inquiète : qu’est-ce qui t’attend ? Quand tu sortiras de l’école, quelle sera ta place dans cette jungle du travail ? Trouveras-tu un emploi qui respecte tes droits, ou devras-tu te contenter de petits contrats, de sous-statuts qui te priveront de stabilité et de sécurité ? Comment arriveras-tu à t’installer dans la vie, à acheter une maison, fonder une famille… Vivre quoi !

C’est une situation injuste. Nos gouvernants n’offrent aucune perspective décente aux jeunes pour les faire entrer sur le marché du travail mais à côté de cela, ils mettent aussi en place des mesures pour faire travailler les travailleurs âgés encore plus longtemps, pour les user jusqu’à la corde. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de pouvoir partir dignement en pension. A l’époque, les mesures de fins de carrière, les prépensions existaient encore. C’était une manière honorable de quitter la scène professionnelle après de longues années de boulot. Aujourd’hui, Cela n’est quasiment plus possible, ni accessible et ce sera encore moins le cas demain, vu ce que les Bouchez – De Wever de ce pays envisagent. Les travailleurs âgés sont désormais épuisés. Certains sombrent parfois dans la maladie avant d’atteindre la retraite, faute de solution décente. C’est inacceptable. Après avoir travaillé autant d’années, il faut des solutions dignes pour pouvoir sortir du marché du travail. La prépension en est une. Qui plus est, elle crée des emplois puisque le remplacement est obligatoire. Les mesures de crédit-temps de fins de carrière le sont également. Elles devraient être maintenues et prévoir elles aussi le remplacement obligatoire. Après une carrière correcte, encadrer le départ des plus âgés et inciter les jeunes à reprendre le flambeau pour tracer la leur, les faire former par les plus anciens : la voilà la voie qui serait à suivre… 

À mon époque, on pouvait espérer une pension décente. Désormais, avoir un emploi à durée indéterminée et des carrières sans « trous » est de plus en plus compliqué. C’est un parcours semé d’embûches. Arrivé à la pension, c’est la douche froide. Et avec ce que les politiques préparent, la situation ira encore en se dégradant. On remet de plus en plus en cause les périodes de la carrière qui ne sont pas des prestations effectives. La pension minimum deviendra inaccessible pour beaucoup et ce sont principalement les femmes (dont les carrières sont le plus souvent fragmentées pour raison familiale) qui seront le plus pénalisées. Toutes les causes d’interruption de carrière devraient être assimilées, pas uniquement la maladie ou la maternité. La réduction de l’enveloppe bien-être, qui permet de soutenir les plus petites pensions, est aussi un recul inacceptable.

Je pense souvent à toi et à l’avenir qui t’attend. Moi et tous ceux de ma génération, nous nous sommes battus pour être dans un monde plus juste, pour construire des droits et obtenir des avancées sociales. Ce n’est pas pour rien et pour qu’aujourd’hui, tout cela parte en fumée. Il est de notre devoir à tous de continuer à défendre ces droits, pour que vous puissiez vivre sur une planète « clean » et dans des conditions sociales acceptables. Dans une société où les travailleurs et leurs droits sont respectés. Ce n’est pas ce que le futur gouvernement nous réserve. 

Je serai toujours à tes côtés pour t’accompagner et t’encourager dans tes combats futurs. Maintenant, c’est à vous, la nouvelle génération, de prendre le relais. Si un jour, un appel à la mobilisation voit le jour, ne te dis pas que ce sont des combats d’un autre temps. Vos droits n’ont jamais été mis autant en danger et je serai heureux que nous soyons côte à côte pour ensemble résister et laisser un monde vivable pour tous. 

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