Ce dimanche 25 mai se déroulera donc une triple élection (quadruple pour les germanophones) que plusieurs ont déjà qualifié d’historique. Car pendant 4 ans, sauf problème non prévisible à ce stade, le monde politique ne sera plus en campagne permanente et pourra donc se recentrer sur les différents problèmes auxquels les citoyens sont confrontés. 2018 les communales et les provinciales, 2019 pour les niveaux sur lesquels nous allons nous prononcer ce dimanche.
Pour les organisations syndicales, l’échéance du 25 mai peut être un tournant. La question de savoir si des relais existeront pour faire passer nos messages est importante. Un de mes prédécesseurs, Urbain Destrée, disait souvent « eux c’est eux, nous c’est nous » pour illustrer le concept de l’indépendance syndicale à laquelle le SETCa Liège-Huy-Waremme est viscéralement attaché. Mais ce concept d’indépendance syndicale n’est pas de l’apolitisme. Bien au contraire, il se veut une séparation complémentaire des rôles. Aux partis politiques la vocation à exercer le pouvoir, aux syndicats l’exercice du contre-pouvoir et la lutte au quotidien sur les lieux de travail pour faire appliquer les lois sociales. En effet, notre service juridique, nos délégués, nos permanents constatent quasi quotidiennement que ce « simple » rôle s’avère indispensable pour les gens. Mais au-delà du service rendu, nous sommes porteurs d’un projet de société qui est en rupture avec le modèle capitaliste actuel car nous constatons au quotidien que celui-ci est producteur de souffrances et d’inégalités profondes. Mais pour traduire ce projet de société, nous avons besoin que les luttes que nous menons, que les rapports de force que nous constituons soient relayés sur le plan politique. Et ce, afin de peser sur le réel.
Clairement notre projet de société basé sur le progrès social est à l’antipode de ce que présentent les partis de droite. Et nous savons de par l’expérience des années Martens-Gol ce que veut dire une alliance de ces partis pour le monde du travail. Nous savons qu’un gouvernement des droites en Belgique qui sortirait des alliances électorales post-25 mai serait synonyme de karcher social. Quelques exemples :
- L’indexation automatique des salaires serait sans nul doute supprimée. Or nous savons, et des études l’ont prouvé, que ce mécanisme a permis de protéger le niveau de vie des plus faibles, voire des revenus moyens. Même s’il a été amendé, notamment par le traficotage du « panier de référence », son principe n’a pas été touché ni ses effets sur les allocations…
- Les allocations sociales justement (de chômage, de liaison au bien-être…) seront directement attaquées et rabotées. Le débat sur les exclusions du chômage concernant au départ près de 55.000 personnes qui a animé la campagne a démontré quel était l’objectif de la droite. Nous savons donc que l’offensive est prête pour imposer la limitation dans le temps, renforcer leur conditionnalité… Et que les plus à droite n’attendent que l’occasion pour pouvoir également remettre en cause la fonction d’organisme de paiement des organisations syndicales et ainsi tenter de répéter la destruction des syndicats anglais par Thatcher 30 ans après.
- Les syndicats ne seront pas les seuls à être attaqués. Les mutuelles, qui sont également dans le collimateur depuis plusieurs années et ont déjà subis des attaques, notamment sur les assurances complémentaires qu’elles proposent, verront arriver la question de la privatisation totale des secteurs des soins de santé. Les dizaines de milliards d’€ de revenus possibles étant un gâteau bien trop alléchant pour les groupes capitalistes qui se sont déjà insinués dans les interstices ouverts au fur et à mesure ces dernières années (pensons notamment au secteur des maisons de repos).
- Ce dernier exemple nous permet d’aborder un quatrième enjeu de société important où en tant qu’organisation syndicale nous prônons un système solidaire, celui des pensions et plus largement du vieillissement. Nous nous sommes déjà exprimés sur ce sujet[1] et l’importance de non seulement revaloriser le premier pilier de pension mais aussi de garantir une vie décente pour les 20% de gens qui auront plus de 65 ans à l’horizon 2025.
La sécurité sociale et le système de concertation sociale sont plus que jamais menacés. 70 ans après le pacte social, c’est l’essence même de celui-ci qui est aujourd’hui en danger. Et donc la paix sociale qui a permis la prospérité de notre pays par la diminution des inégalités sociales. Aujourd’hui, quelle que soit la coalition de l’après 25 mai, c’est ce modèle de société qui est mis en cause. C’est la défense et l’amélioration de ce dernier qui mobilisera les syndicalistes dans les mois qui viennent. En Belgique, il n’y a pas de second tour politique. Mais il y aura sans nul doute un second tour social.
À la droite nous disons qu’elle nous trouvera sur son chemin, dans la rue. À la gauche nous disons qu’il est temps que ces élus arrêtent la lutte des places et qu’ils reviennent à la lutte des classes. Formule connue et certes un peu facile mais qui décrit bien le sentiment de nombreuses personnes qui hésitent à aller voter. C’est notamment eux qu’il faut convaincre en portant non pas des ambitions personnelles mais en travaillant collectivement à un projet visant réellement, dans les actes et pas seulement dans les discours, une autre société plus solidaire et humaine.
« Il n’est pas de sauveurs suprêmes, ni Dieu, ni César, ni tribun ». Que tous les élus de ce 25 mai gardent ces paroles de l’Internationale en tête. Nous serons là dès le 26 mai au matin pour leur rappeler leurs promesses.
Égidio Di Panfilo, Secrétaire Général SETCa Liège-Huy-Waremme
