Le drame qui s’est déroulé ce mercredi 4 juillet 2012 aux Fonderies Magotteaux à Vaux-sous-Chèvremont (région liégeoise) illustre une nouvelle fois combien les conditions de travail en Belgique se dégradent de plus en plus rapidement. Dès l’annonce du suicide, sur son lieu de travail, d’un cadre de l’entreprise, nous avons publié un communiqué de presse: « Magotteaux : combien de morts faut-il à la direction ? ». Les délégués syndicaux avaient en effet alerté à de nombreuses reprises la direction et les médias sur la dégradation rapide des conditions de sécurité en particulier, et des conditions de travail en général dans cette entreprise où, comme partout aujourd’hui, la rentabilité et la compétitivité priment sur le respect des êtres humains. En utilisant des mots très durs, nous voulons faire en sorte que ce geste ne soit pas classé, comme trop souvent, dans la rubrique des faits divers. Car nous voulons le dire avec force : oui, les directions ont une part importante de responsabilité dans ce type de décès. Et il serait temps que l’impunité cesse dans ce domaine et que les règles qui prévalent en droit international depuis la fin de la seconde guerre mondiale s’appliquent également en droit social : l’exécutant de base n’est pas forcément le seul qui doit être condamné. En ce sens, nous nous réjouissons de la mise en examen du PDG de France Télécom et de l’éventualité que d’autres membres de son staff de direction soient également poursuivis. Nous espérons que des arguties juridiques ne permettront pas à ce haut dirigeant d’échapper à la responsabilité de la conséquence de ses décisions et qu’il sera lourdement condamné. Nous ajoutons sans détour : comme chez France Télécom, nous espérons que la justice s’interrogera réellement sur la responsabilité des directions dans des cas similaires en Belgique. Il serait inadmissible que l’on donne une interprétation psychologisante au geste de ce travailleur. Un suicide n’est jamais anodin, l’accomplir sur son lieu de travail est toujours révélateur. Au 19e siècle, la législation sociale inexistante faisait en sorte qu’en cas d’accident de travail, c’était au travailleur de prouver qu’il n’avait pas commis une négligence et que le patron était responsable. Aujourd’hui, même si la législation a évolué grâce aux combats syndicaux, la situation n’est, dans les faits, pas si différente. Trop souvent encore, on se refuse à globaliser un fait individuel, et donc à s’interroger sur ses causes réelles et structurelles. Le recours aux psychologues est d’ailleurs emblématique d’un mode de fonctionnement idéologique destiné à gommer la réalité du monde du travail qui reste une réalité dure, conflictuelle et où la valeur de l’être humain a peu de poids devant la soif de profit. Combien de morts faut-il pour que le politique se décide à agir ? Quand se décidera-t-on à faire supporter pas les entreprises le coût pour la sécurité sociale que représente le mal-être des travailleurs provoqué par les accélérations effrénées de cadence et par les techniques de management ? Quand dira-t-on clairement que l’application de celles-ci, que la violence du capitalisme d’aujourd’hui, sont la première cause de l’explosion de la consommation d’anxiolytiques ? Les travaux et les témoignages ne manquent pourtant pas. Citons ceux de Christophe Dejours, des documentaires comme La mise à mort du travail ou J’ai très mal au travail, des livres comme La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social de Vincent de Gaulejac, flexibel, efficient en gestoord (flexible, efficient et perturbé) de Paul Verhaeghe ou L’Open space m’a tuer d’Alexandre des Isnards et Thomas Zuber… Cette réalité violente, mortifère, nous en avons des dizaines, des centaines de témoignages via nos représentants syndicaux dans les entreprises (et ce, quel que soit le secteur d’activité), via des enquêtes effectuées dans certains secteurs, via les cas que nous traitons dans nos services juridiques, via ce que nos proches vivent ou ont vécu au cours de leur carrière professionnelle. Il faut dire à un moment : cela suffit. Nous constatons que la majorité des commentaires sur le geste tragique auquel a été poussé le cadre de Magotteaux soulignent que sa mort n’aura un sens que si elle sert à quelque chose, que si elle n’est pas mise sur le dos d’une fragilité psychologique individuelle. Mais qu’au contraire, elle doit être mise en relation avec un grave problème de société que les médias ont popularisé sous le terme de « burn out » et qui recouvre les nouvelles formes d’organisation du travail destinées à maximaliser les profits pour les actionnaires. Dans les jours qui viennent, le parlement va à nouveau discuter d’un plan « de relance » et de mesures budgétaires de régression sociale proposés par le gouvernement, poussé dans le dos par l’Union européenne et le patronat. Un bel exemple est celui de vouloir allonger la carrière alors que l’on constate une augmentation des absences de longue durée chez les travailleurs de plus de 50 ans. Qui peut penser sérieusement que c’est en précarisant davantage les travailleurs, en les faisant vivre dans la peur (d’un licenciement, d’une perte d’allocations sociales, de ne pas pouvoir bénéficier d’une retraite largement méritée ou de soins de qualité) et en s’attaquant à leur pouvoir d’achat par une réforme de l’indexation automatique des salaires que l’on va construire une société meilleure pour tous les êtres humains ? Bien au contraire, toutes ces mesures ne feront que pousser au désespoir de plus en plus de gens, qui commettront alors des gestes extrêmes. Individuels d’abord. Collectifs ensuite. Les leçons des années 1920 et 1930 semblent oubliées par beaucoup. Pas par nous, syndicalistes qui savons les conséquences d’une évolution inégalitaire de la répartition des richesses. Et nous prendrons nos responsabilités dès le mois de septembre.
Égidio Di Panfilo, secrétaire général SETCa-Liège |

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