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POINT DE VUE-Pour un statut de travail du 21e siècle !

17/03/2010 | FR / NL

Ce n’est pas par plaisir qu’ils perdront une nouvelle fois de l’argent, mais parce qu’ils veulent conserver des perspectives d’avenir pour eux, mais aussi leurs enfants ou petits enfants qui arriveront demain sur ce qu’il faut appeler le « marché du travail ».
Cette expression communément admise et utilisée est significative de la manière dont les travailleurs sont considérés dans notre société : comme une vulgaire marchandise qui s’achète et se vend selon les « règles » du marché. C'est-à-dire de la « loi » de l’offre et de la demande. Sans réglementation, sans balise, le résultat d’une telle logique est connu : la misère pour les plus pauvres obligés de se vendre à n’importe quel prix pour survivre. Le dernier ouvrage de la journaliste Florence Aubenas[1] est venu fort à propos rendre visible cette vérité que beaucoup préfèrent ignorer. C’est pour corriger ces effets dommageables pour l’immense majorité des travailleurs que, au fil des luttes sociales, une série de règles ont été conquises (et parmi celles-ci un contrat pour les employés en 1921 seulement) pour donner naissance dans le climat insurrectionnel de la Libération au Pacte social et au système de concertation sociale à la belge.

Ce système est un compromis qui peut être résumé par une équation simple : redistribution des richesses produites = paix sociale. Ce pacte social permit à la Belgique de vivre une période de prospérité inédite durant laquelle le niveau de vie des travailleurs a sensiblement augmenté tout en permettant aux plus riches de continuer à s’enrichir. Mais dans un système capitaliste, le désir d’accumuler des richesses est sans fin. Celui qui a, veut toujours plus. La mutation progressive d’un capitalisme essentiellement industriel en un capitalisme dominé par ses aspects financiers a accéléré et aggravé toute les dérives inhérentes à ce système économique basé sur l’exploitation des plus faibles par la minorité des plus forts.

C’est contre cette évolution que les travailleurs se mobilisent régulièrement. Car lorsqu’on change le premier terme d’une égalité mathématique, il est indispensable de modifier aussi le second pour rétablir cette égalité. Les travailleurs bougent car ils veulent que la Belgique reste à la pointe du progrès social : un État moderne, avec une économie moderne, qui a pour objectif un mieux être pour l’ensemble des personnes qui vivent sur son territoire. Ils ne veulent pas d’une société qui pratique l’exclusion et la terreur sur les plus faibles pour fragiliser l’ensemble de la population[2].

Qui sont les modernes aujourd’hui ? Les représentants des travailleurs qui cherchent à améliorer les conditions de travail et de vie de la population, ou ceux qui parlent de solutions « naturelles », indiscutables, prouvées par des « lois scientifiques » économiques qui n’ont de scientifique que le nom ? Car si l’économie était une science aussi exacte que ses gourous le prétendent, pourquoi les économistes ne prévoient-ils jamais les crises qu’à posteriori ?

« Il n’y a pas d’horaire fixe de travail. Une journée de douze heures est le minimum. Avec l’avalanche des commandes, nous devons travailler sans interruption pendant trente heures ou davantage. (…) C’est vraiment épuisant parce qu’il faut rester debout tout le temps pour guider la toile de jean en tirant dessus. Nous avons en permanence mal aux jambes. Il n’y a pas d’endroit où s’asseoir sur le sol de l’atelier. Les machines ne s’arrêtent pas pendant nos pauses-déjeuner (…). Le sol de l’atelier est recouvert d’une poussière épaisse. Nos corps deviennent noirs à force de travailler jour et nuit à l’intérieur. Quand je quitte le travail et que je crache, c’est tout noir. »[3] Cette description rappelle les conditions de travail dans les usines textiles belges au 19e siècle. Mais aujourd’hui, elle concerne la Chine, les sans-papiers dans les ateliers clandestins… et annonce ce qui nous attend si l’on suit les conseils de l’Itinera Institute, ceux de Bruno Colmant et de leurs collègues sans cesse présents dans la presse.

En effet, à lire leurs nombreuses chroniques, on cherche en vain les différences avec les textes de la FEB, et notamment son récent cri : Laissez-nous entreprendre. On y cherche aussi la soi-disant nouveauté dans le projet de société. « Si l’industrie avait été ruinée chaque fois que sa ruine a été annoncée dans cette Chambre, la Belgique serait, depuis longtemps, un désert (…) Ce sont toujours les mêmes arguments qui apparaissent : c’est la concurrence rendue impossible ; ce sont nos exportations compromises, c’est la liberté de l’ouvrier entravé, son salaire diminué ; c’est le minimum de salaire rendu inévitable ; comme conséquences, le minimum de bénéfices rendu indispensable pour l’industriel, sinon c’est la fermeture de toutes nos usines, la ruine de l’industrie, c’est la désolation et la mort ». Cette citation pourrait être extraite d’un de nos économistes qui dit ne pas faire d’idéologie. Elle date pourtant de1907 ! Où se situe donc la modernité à rêver d’un retour aux conditions sociales qui permettaient à Marx de décrire la Belgique comme le paradis du capitalisme ? En fait, le patronat semble être à la recherche de son paradis perdu tandis que les travailleurs désirent le réaliser ici et maintenant.

Contrairement au discours savamment entretenu dans les médias, la Belgique est loin d’être un pays stalinien où les entreprises ne peuvent pas investir. La Belgique est un pays où la flexibilité sur le marché du travail est importante, y compris au regard des autres pays de l’Union européenne. La différence de statuts entre les ouvriers et les employés n’y est aucunement une exception européenne et sur tous les aspects (licenciement collectif, préavis, chômage…), chaque pays a maintenu des spécificités qui, prises globalement, ne permettent pas de dire que la Belgique est dans un déficit concurrentiel avec ses voisins.

Les employés seront donc devant la FEB ce mercredi 17 mars 2010 pour dire qu’ils veulent pour eux-mêmes, mais aussi pour tous les travailleurs : un délais de préavis minimum de trois mois par tranche entamée de cinq ans ; une période d’essai de 6 mois maximum incluant toutes les prestations faites chez un même employeur (CDD, remplacement…) ; un chômage temporaire encadré et n’étant pas à charge de la sécurité sociale ; la suppression du jour de carence ; une meilleure législation sociale et des conventions collectives de travail qui s’appliquent également aux cadres…[4]

C’est pourquoi les employés seront dans la rue ce mercredi 17 mars 2010 pour que l’harmonisation des statuts ouvriers et employés mène à un statut digne du 21e siècle. Pas à un retour à celui du 19e siècle !

Égidio Di Panfilo, Secrétaire général SETCa Liège

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[1] F. Aubenas, Le quai de Ouistreham, Paris, L’Olivier, 2010. 
[2] Voir le documentaire La mise à mort du travail, 2009. 
[3] T. Hunt, Engels, Le gentleman révolutionnaire, Paris, Flammarion, 2009, p. 489. 
[4] Voir Mémorandum du SETCa