Voulez-vous devenir membre ?

Le SETCa, affilié à la FGTB, a pour vocation de défendre et de promouvoir les intérêts de ses membres tout en affirmant son engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect des convictions de chacun, son refus de toute influence extérieure ou d’ingérence linguistique, philosophique ou religieuse, ainsi que son autonomie totale à l’égard des partis politiques.

Le SETCa n'accepte ni les idées ni les comportements racistes, xénophobes ou fascistes. L'adhésion à des partis ou des mouvements d'extrême droite est incompatible avec l'affiliation au SETCa.

POINT DE VUE-Quand les jeux font oublier le pain

18/04/2019 | FR / NL

On a l’habitude de résumer la politique sociale des derniers empereurs de la Rome antique par la formule “Panem et circenses”, soit “du pain et des jeux”. Avec la coupe du monde de football nous ne pouvons que constater qu’offrir des jeux à grand renfort de matraquage publicitaire mobilisant des moyens financiers colossaux reste un moyen pour détourner l’attention des gens et leur faire oublier les problème sociaux. Cependant, cette fois-ci la machine est, un peu, grippée et la première partie de la formule latine a du plomb dans l’aile. Au Brésil tout d’abord où le peuple a fait savoir avant, et continue pendant, qu’il trouvait indécentes les dépenses pour construire les stades et les infrastructures connexes alors qu’il manque de l’infrastructure la plus élémentaire (école, logement décent, hopitaux…) dans un pays qui reste fortement inégalitaire. Avec le Qatar ensuite où les conditions esclavagistes des travailleurs qui construisent les stades de la coupe du monde de 2022 ont déjà fait plusieurs morts. Ajoutons les reportages sur les conditions de travail et de salaire sur les enfants qui fabriquent le ballon officiel et en parallèle les chiffres des rémunérations des joueurs, les déclarations méprisantes des dirigeants de la FIFA et les forts soupçons de corruption et l’on comprend que le désaveu gagne malgré tout.

Le football, et plus particulièrement cette coupe du monde, deviennent ainsi une illustration d’un système économique qui produit des inégalités de plus en plus importantes et flagrantes et dont les très rares bénéficiaires sont de plus en plus déconnectés des réalités des 99% de la population. Les solutions qu’impose le capitalisme ne sont pas en faveur des réels producteurs de richesse mais bien au profit des sangsues du système qui se reproduisent de génération en génération, le bestseller de Thomas Piketty mettant à mal le mythe du « self made man », au point que les chiens de garde du système se sentent obligés ces derniers temps de tenter d’en nuancer le propos.

La restructuration chez Delhaize annoncée mercredi dernier est ici aussi exemplative. La société fait des bénéfices importants, près de 200 millions d’€, sur lesquels elle ne paie que 0,15 % d’impôts, soit très loin des 33% prévus par la loi sur l’impôt des sociétés. Nous sommes donc ici à nouveau très loin de la pression fiscale insupportable chère à la FEB et du discours idéologique déconnecté du réel du représentant de Comeos sur le handicap concurrentiel du secteur du commerce de la distribution alimentaire, secteur par définition non délocalisable. La vraie raison n’est donc pas la question du coût du travail mais bien celle du coût du capital. Les dividendes aux actionnaires de Delhaize ont encore augmenté de 11% l’an dernier. Là est le scandale ! Là est la cause des milliers de pertes d’emplois qui vont jeter dans la précarité des milliers de familles. Après le secteur industriel, la politique d’austérité imposée aux peuples démontre qu’elle n’est pas une solution mais bien un facteur d’aggravation. Et ce n’est pas fini puisque le pire est « coravenir », pour reprendre le nom du plan de restructuration annoncé chez Cora ce vendredi. Ce sont donc encore des milliers d’emplois qui sont menacés. Directement ou par la remise en cause de conquêtes sociales. Et donc des milliers de familles qui n’auront plus les moyens de consommer. Auxquelles il faut ajouter toutes celles qui vont ralentir leurs dépenses par peur de l’avenir. Bref, l’austérité ne permet pas la relance économique dont nous avons besoin mais au contraire nous plonge dans une spirale vers le bas infernale.

Denis Knoops, le nouveau directeur de Delhaize, s’il n’est pas un vrai delhaizien est un vrai mercenaire au service des actionnaires, incarnant parfaitement les responsables des problèmes aujourd’hui. Mercenaire et non patron car il faut distinguer ceux qui possèdent une entreprise des hauts cadres qui sont des employés « comme les autres ». Arrogant, antisyndicaliste primaire, incapable de justifier ses actes devant les caméras et méprisant envers le personnel à qui il propose directement après l’annonce de la restructuration non pas des solutions pour leur avenir mais un service « d’aide psychologique en cas de difficultés professionnelles ou personnelles ». Ne pas faire un bain de sang social, ne pas voir 2500 charges là où nous voyons 2500 êtres humains, rendrait certainement inutile cette mesure.

Derrière la brutalité du plan social proposé, se cache également de manière plus générale une volonté de continuer à détricoter la concertation sociale en faisant passer les magasins dans des commissions paritaires nettement moins intéressantes pour les travailleurs et en étendant le système de la franchise, où les délégations syndicales ne sont pas présents. Le problème ici n’est donc pas seulement économique, mais surtout politique. Le commerce est un secteur exemplatif de la dérégulation et du besoin d’une réelle planification contrôlée par l’état. Sur les implantations de magasins, sur le fait d’empêcher le dumping social entre commissions paritaires… En ce sens les débats autour des traités européens et du Traité transatlantique sont totalement en lien avec des restructurations que nous vivons. Le politique doit ici se ressaisir et reprendre le contrôle.

À ce niveau, la perspective d’un gouvernement des droites mis en place par un habitué des citations latines n’est pas rassurante pour les travailleurs qui se souviennent des années Martens-Gol. Années où Etienne Knoops, le père du directeur actuel de Delhaize, était ministre libéral. Et la présence du parti socialiste, si elle pourrait mettre un frein aux mesures antisociales, ne sera pas suffisante pour inverser la logique d’austérité et les nouvelles économies annoncées. C’est donc dans la rue que dès la rentrée les travailleurs devront aller défendre les conquêtes sociales que les luttes de leur prédécesseur ont obtenues. C’est dans la rue qu’ils devront pousser le politique à voter une loi pour interdire aux entreprises bénéficiaires de licencier, à supprimer le système des intérêts notionnels dont Delhaize a bénéficié et qui chez ArcelorMittal fait que l’état, c’est-à-dire nous tous, a donné 2,6 millions d'€ par emploi supprimé, à retrouver une liberté de négociation salariale…

Quand on va droit dans le mur, il n’y a pas deux solutions comme le disait dimanche sur tous les plateaux le représentant de Comeos, mais trois. Ce troisième choix est celui qui consiste à ne pas être fataliste et à abattre le mur. C’est notre solution. Celle de changer la société pour aller vers plus de progrès social.

Égidio Di Panfilo, Secrétaire Général SETCa-Liège